Michel BARNIER Membre de la Commission européenne, chargé du Marché intérieur et des Services Discours sur l’Union Bancaire et le Marché Unique après le Conseil européen Visite au Pays-Bas dans le cadre de la semaine du Marché Unique La Haye, le 19 octobre 2012

La Haye, 23-10-2012 — /europawire.eu/ — Discours sur l’Union Bancaire et le Marché Unique après le Conseil européen

Monsieur le Ministre,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais tout d’abord remercier le Ministère de l’économie pour l’organisation de cette conférence consacrée aux 20 ans du marché unique.

Permettez-moi de commencer par quelques mots sur le Conseil européen qui est en cours à Bruxelles en ce moment même.

Ce Conseil européen est la première réunion des chefs d’Etat et de gouvernement depuis leur rencontre de juin dernier. En juin, l’Union européenne a adopté, pour la première fois, une approche globale pour sortir de la crise. Ce tournant dans la façon dont l’Europe gère la crise a eu un effet positif sur la confiance des marchés financiers. Mais il fallait rester vigilant, et je suis heureux que, hier soir, le Conseil ait confirmé et précisé l’engagement pris en juin d’adopter la législation sur la supervision européenne des banques dans la zone euro avant la fin de l’année.

Cette législation, je l’ai en effet proposée, avec le Président Barroso et mes collègues de la Commission, le 12 septembre dernier. Nous avons travaillé de façon rapide et sérieuse, avec la Banque centrale européenne, pour mettre ces propositions sur la table. Hier soir, les chefs d’Etats et de gouvernement ont confirmé l’architecture et les éléments essentiels de notre proposition, et notamment le fait que la Banque centrale européenne sera l’autorité en charge d’un système unique de supervision qui couvrira toutes les banques, avec une approche graduelle dans la mise en œuvre, comme la Commission l’avait proposé. Evidemment les superviseurs nationaux auront leur place et leur rôle à jouer dans ce système européen, et il faudra trouver une représentation équitable pour les pays hors zone euro qui voudraient rejoindre le nouveau dispositif.

Cette supervision unique est une condition pour permettre au Mécanisme européen de stabilité de recapitaliser directement les banques. Je comprends que certains pays soient réticents à cette perspective. Mais, comme confirmé au plus haut niveau hier soir, c’est ainsi que nous stabiliserons le secteur financier européen et que nous corrigerons les déséquilibres économiques qui ne sont pas soutenables entre des pays qui partagent la même monnaie.

Cette recapitalisation ne sera pas automatique. Il appartient maintenant à l’Eurogroupe de travailler sur ses modalités. Et, encore une fois, elle sera conditionnée à une supervision efficace et préalable des banques par la BCE.

Au-delà de la supervision des banques, nous devons rapidement progresser sur d’autres dossiers qui font partie de cette union bancaire, notamment les exigences de fonds propres pour les banques, les systèmes nationaux de garanties des dépôts, et la résolution des crises bancaires. Dans des pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, certains dirigeants expriment des craintes sur ce qu’on appelle le “backstop fiscal” et le recours à l’argent du contribuable. Notre proposition sur la résolution bancaire est cruciale dans ce contexte. Elle permettra de s’assurer que les conséquences des crises sont assumées par les banques elles-mêmes, les actionnaires, les investisseurs, et non plus par les contribuables. Le Conseil européen a lancé hier soir un appel à une adoption rapide de cette proposition.

Mesdames et Messieurs,

L’Europe reste confrontée à une situation économique difficile. Pas à pas, nous prenons des mesures pour renforcer l’intégration économique entre nos pays. Je constate que, pour la première fois depuis longtemps, le Conseil européen d’hier soir et d’aujourd’hui ne se déroule pas avec le sentiment que nous sommes le dos au mur, ou qu’il s’agit d’un “sommet de la dernière chance”. Certes, l’urgence demeure, et les discussions ne sont pas toujours faciles, mais ce sommet a retrouvé une certaine normalité. C’est en soi très positif.

Au-delà de cet agenda urgent de la régulation et de la stabilité financière, je suis en charge à la Commission du marché unique. Ce marché unique reste un formidable outil pour stimuler la croissance de l’économie européenne. C’est pour donner plus de visibilité à cette réalité que j’ai voulu marquer son vingtième anniversaire.

Je le dis d’emblée, cet anniversaire ne doit être ni un prétexte à la mélancolie ou à une quelconque nostalgie, ni un motif d’autosatisfaction ou de fierté excessive.

Je passerai donc rapidement sur les réussites du marché unique, même s’il est vrai que beaucoup a été accompli ces 20 dernières années.

Pour les consommateurs, le marché unique a représenté plus de choix entre des produits de meilleure qualité et moins chers – le prix des billets d’avion a par exemple baissé de 40%.

Grâce au marché unique, de nombreux Européens ont pu voyager, étudier ou travailler dans un autre Etat membre. Près de 3 millions d’Européens ont déjà étudié à l’étranger dans le cadre du programme Erasmus.

Enfin, le marché unique a aidé de nombreuses entreprises à se développer au-delà des frontières de leur pays. Aux Pays-Bas, 77% des exportations de biens et 60% des exportations de services sont aujourd’hui destinées aux autres pays de l’Union européenne.

Comme l’a rappelé récemment le Président Barroso, la plupart d’entre nous, en tant que jeunes gens ou jeunes femmes, n’auraient jamais pu imaginer l’ampleur des possibilités offertes aujourd’hui par le marché unique.

Néanmoins, il faut bien reconnaître que l’anniversaire du marché unique est en grande partie éclipsé par la série de crises qui continuent de toucher l’Europe.

La croissance devrait être nulle dans l’UE en 2012, et même négative dans certains pays, comme les Pays-Bas.

Si la situation de l’emploi reste remarquable ici, avec un taux de chômage à peine supérieur à 5% de la population active, plus de 50% des jeunes actifs sont sans emploi dans certains Etats membres.

Partout en Europe, des mouvements populistes profitent de cette situation pour avancer leurs solutions simplistes, en prônant le protectionnisme et le repli national.

Je le dis clairement : le chacun pour soi et le chacun chez soi ne nous mèneront nulle part.

La solution à nos problèmes ne passe pas par moins d’Europe, mais au contraire par plus d’Europe.

Et elle passe en particulier par un marché unique modernisé et adapté aux nouvelles réalités économiques, technologiques et sociales.

C’est objectif de l’Acte pour le marché unique, que nous avons lancé avec une douzaine de mes collègues en avril 2011, et qui comprend 50 propositions concrètes et 12 actions clés pour actionner de manière systématique tous les “leviers de croissance et d’emploi” du marché unique.

Ces propositions, nous les avons complétées il y a deux semaines par 12 nouvelles actions clés choisies en fonction de leur impact rapide sur la croissance et l’emploi dans 4 domaines prioritaires : les réseaux européens de transport et d’énergie, la mobilité des citoyens et des entreprises, l’économie numérique et la cohésion sociale.

Toutes ces mesures concrètes et cohérentes doivent faire naître en Europe une nouvelle croissance, plus durable, plus innovante et plus inclusive.

Permettez-moi de reprendre brièvement ces trois points pour montrer comment nos propositions pourront bénéficier à l’Europe en général, et aux Pays-Bas en particulier.

1. Tout d’abord, nous voulons mettre le marché unique au service d’une croissance durable.

La crise financière nous a montré où la logique d’investissement court-termiste pouvait nous mener. Nous proposerons prochainement des mesures pour encourager l’investissement à long terme, y compris en faveur du financement des projets d’entreprises privées.

Par ailleurs, pour inscrire leurs projets dans la durée, les entreprises et les citoyens européens doivent pouvoir s’appuyer sur des réseaux modernes et performants. Sous l’impulsion de Günther OETTINGER et Siim KALLAS, nous voulons donner un coup d’accélérateur à l’intégration des réseaux européens d’énergie et de transport, avec notamment l’objectif de réaliser enfin le “ciel unique européen”, qui doit nous permettre de mettre fin à la fragmentation de notre système aérien et pourrait représenter des économies de l’ordre de 5 milliards d’euros par an.

2. Deuxième point : nous voulons libérer le potentiel d’innovation du marché unique.

Les PME doivent pouvoir protéger leur propriété intellectuelle de manière simple et à moindre coût. Aujourd’hui, à cause des frais de traduction et d’enregistrement, protéger une invention dans les 27 pays de l’Union peut coûter jusqu’à 35.000 euros. Notre proposition de brevet unitaire européen pourrait réduire ce coût de 80%.

Je tiens d’ailleurs à saluer le rôle décisif joué par le Parlement européen sur ce dossier, et en particulier par Toine MANDERS [ALDE/NL] au sein de la commission du marché intérieur.

Développer l’innovation passe aussi par la construction d’un véritable marché unique numérique. Je sais que c’est aussi une des priorités du gouvernement néerlandais. Avec Neelie KROES, la Commission mène une politique ambitieuse encourageant le déploiement de fibre optique permettant le développement de toute une palette de nouveaux services.

Je travaille également avec Joaquin ALMUNIA à améliorer l’efficacité et la concurrence entre les services électroniques de paiements. Aujourd’hui, 35% des internautes européens renoncent à acheter en ligne à cause de doutes sur les méthodes de paiements. Nous voulons changer cela.

Enfin, nous devons réussir la transition vers l’administration électronique, qui rend un meilleur service aux usagers, à moindre coût. Les Pays-Bas ont une longueur d’avance dans ce domaine, mais beaucoup reste à faire en Europe. Pour cela, j’ai par exemple proposé de généraliser la facturation électronique dans le cadre des marchés publics, ce qui pourrait représenter une économie d’un milliard d’euros par an à l’échelle de l’Union européenne.

3. Dernier point : nous devons faire du marché unique un vecteur de cohésion sociale et d’emploi.

Il n’y a pas, à mes yeux, de performance économique durable sans cohésion sociale.

Nous devons donner aux entreprises sociales la place qu’elles méritent, notamment en augmentant leur visibilité, et en créant un cadre européen pour les fonds qui investissent dans ces entreprises.

Nous voulons aussi permettre à tous les citoyens européens d’avoir accès à un compte bancaire de base, qui est devenu une condition de la participation à la vie économique et sociale. Aujourd’hui, 6 à 7 millions d’Européens en sont privés pour cause de refus d’une banque. Ce n’est pas acceptable. Parallèlement, nous allons aussi améliorer la transparence des frais bancaires.

Et nous prenons des initiatives pour mettre le marché unique au service de l’emploi. Mon collègue Laszlo ANDOR travaille au développement d’un véritable service en ligne de placement et de recrutement transfrontières.

Nous avons également proposé d’améliorer la reconnaissance des qualifications professionnelles, qui est une condition pour faire de la libre circulation des travailleurs un droit concret pour les Européens, notamment grâce à une carte professionnelle européenne.

Mesdames et Messieurs,

Toutes les initiatives que je viens de citer sont concrètes. Elles ont le potentiel d’aider les citoyens, les entreprises et les collectivités locales à mieux saisir les opportunités offertes par le marché unique.

Mais la route est encore longue. D’abord, il est essentiel que les initiatives que nous avons déjà proposées soient rapidement adoptées par le Parlement et le Conseil des ministres. Je sais pouvoir compter sur le soutien des Pays-Bas pour cela.

Ensuite, les règles du marché unique, si pertinentes soient-elles, ne servent à rien si elles ne sont pas mises en œuvre efficacement sur le terrain.Si l’Europe veut garder, ou retrouver, sa légitimité aux yeux des citoyens, elle doit tenir ses promesses.

Nous devons donc faire, avec les Etats membres, un effort conjoint au stade de la mise en œuvre des règles du marché unique. Dans notre Communication du 8 juin dernier sur la gouvernance du marché unique, nous avons dit très clairement que nous appliquerons une politique de tolérance zéro envers les Etats qui ne transposent pas dans les temps les directives européennes dans des secteurs clés comme les services et les industries de réseau.

En même temps, une transposition correcte n’est pas encore une transposition ambitieuse. Selon les études dont nous disposons, une pleine application de la directive Services de 2006 pourrait ajouter jusqu’à 2,6% au PIB de l’UE d’ici à 2020. Nous pouvons et devons obtenir ces 2 à 3 % de croissance supplémentaire.

Les Pays-Bas ont divisé par deux leur déficit de transposition des règles du marché unique entre 2011 et 2012. Cet exemple doit être salué et doit inspirer les autres Etats Membres.

Mais, il faut encore accentuer cet effort, notamment en réduisant le nombre de procédures d’infraction aux règles du marché unique, qui reste plus élevé aux Pays-Bas que la moyenne des pays de l’UE.

Le nouveau “semestre européen” de coordination des politiques économiques nous permettra de formuler des recommandations spécifiques à chaque Etat membre et de trouver ensemble les moyens d’une meilleure application des règles.

Mesdames et Messieurs,

Qu’il s’agisse de nouvelles initiatives ou de la mise en œuvre du marché unique, les mesures que nous sommes en train d’adopter vont changer le marché unique en profondeur.

Elles doivent nous permettre de poser les bases d’une nouvelle croissance en Europe, plus forte mais aussi plus durable, plus innovante, plus inclusive et plus riche en emploi.

Pour réussir cette transition, il est fondamental que les utilisateurs et les acteurs du marché unique puissent donner leur avis. C’est pourquoi j’attache tant d’importance à la semaine du marché unique dont cette journée fait partie, qui s’est ouverte lundi au Parlement européen en présence de Toine MANDERS avec qui j’ai décerné des prix à des jeunes de la “génération 1992”.

J’invite chacun et chacune d’entre vous à y participer activement en nous faisant part de vos critiques, de vos espoirs et de vos propositions concrètes. Ce n’est qu’en unissant nos forces que nous mènerons l’Europe sur la voie d’une nouvelle croissance.

Merci pour votre attention.

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