Débat sur les agences de notation de crédit

Michel BARNIER — Membre de la Commission européenne, chargé du Marché intérieur et des Services

Session plénière du Parlement europén

Strasbourg, 15-1-2013 — /europawire.eu/ — Mesdames et Messieurs les Députés, Monsieur le rapporteur, Madame le Ministre ;

Nous allons franchir ensemble une étape supplémentaire, nécessaire, de ce grand mouvement qui vise à mettre chaque acteur financier au service de l’économie réelle. Notre détermination doit rester intacte pour continuer de tirer toutes les enseignements des crises – successives et interconnectées – auxquelles nous faisons face, mais aussi des premières réponses que nous leur avons apportées.

C’est particulièrement le cas pour les agences de notation de crédit, sur lesquelles nous nous devions d’être aussi réactifs que possible. Je partage le point de vue du rapporteur sur ce point : elles ont pu contribuer à la volatilité des marchés et à la spéculation. Je remercie le Parlement européen pour la rapidité du processus et l’excellente coopération dans le cadre des nouvelles initiatives législatives afin de mieux encadrer et réguler les agences de notation de crédit.

Plus particulièrement, je remercie votre rapporteur Leonardo Domenici, et les rapporteurs fictifs Jean-Paul Gauzès, Sven Giegold, Wolf Klinz, Ashley Fox, pour la force de leur engagement et leur esprit de compromis, sans lesquels nous n’aurions pu arriver à un résultat aussi ambitieux un an après la présentation de la proposition de la Commission.

Nous savons tous que les agences de notation de crédit ont largement contribué à la crise financière.

Les outils soumis à débat aujourd’hui comportent des mesures sans précédent, développées selon 6 axes principaux qui viennent d’être rappelés par le rapporteur et Lucinda Creighton :

1. Le calendrier pour la notation de la dette souveraine

Tout d’abord, je me réjouis tout particulièrement du compromis obtenu sur l’encadrement de la notation des dettes souveraines. Nous conservons tous en mémoire certains épisodes particulièrement regrettables observés au cours de l’année passée. Nous souhaitons mettre un terme aux risques de désorganisation et à l’instabilité des marchés en réglementant les publications intempestives de notations souveraines.

Les agences de notations devront dorénavant établir un calendrier annuel des notations qui comportera un maximum de trois notations (non sollicitées) de la dette souveraine. Ces notations seront publiées le vendredi après la clôture des marchés et au moins une heure avant leur ouverture.

Enfin, la notation de la dette souveraine se fera dans un cadre de transparence (c’est un mot clé dans l’ensemble de nos propositions) : les Etats comme les investisseurs auront accès aux éléments sur lesquels se base la notation.

2. La réduction de la dépendance aux notations externes

Le nouveau cadre réglementaire vise aussi à réduire et, à terme, à éliminer la dépendance au recours excessif aux notations de crédit. En pratique, les établissements financiers ne pourront plus se fier exclusivement et parfois aveuglément aux notations de crédit pour leurs investissements. Ils seront amenés à réviser leurs règles internes pour éliminer les références aux notations lorsque celles-ci risquent d’avoir des effets mécaniques.

La Commission va évaluer la situation sur le marché fin 2015, particulièrement l’existence des alternatives pour les notations de crédit. Pourrons-nous aller plus loin ? Et éliminer toutes les références aux notations externes vers 2020 s’il y a suffisamment d’alternatives disponibles.

3. La protection des investisseurs et des émetteurs : le régime de la responsabilité civile

Le compromis introduit un régime de responsabilité civile. Il s’agit là d’une mesure essentielle au regard de l’impact que la notation peut avoir, tant sur le noté (émetteur ou Etat) que sur les investisseurs, les marchés et l’économie européenne en général.

Dorénavant, les agences de notations pourront être tenues responsables de leurs erreurs, ce qui est la moindre des choses lorsqu’ils s’agit de négligence grave ou de violation intentionnelle de la législation. Ceci constitue une avancée majeure pour la protection des investisseurs et des émetteurs; cela rendra également les agences de notation plus responsables de ce qu’elles font.

4. Les limitations sur l’actionnariat

Nous savons que la composition de l’actionnariat, et les participations détenues par les agences de notations peuvent être à l’origine de conflits d’intérêts. Ce risque n’est pas théorique et il peut avoir un effet négatif sur la qualité de la notation. C’est pourquoi le Règlement prévoit des obligations de transparence, mais également des limitations formelles sur la composition de l’actionnariat.

Ainsi, pour assurer l’indépendance des agences et une bonne évaluation des risques, une obligation de transparence est instituée. Elle s’applique dans plusieurs situations : lorsque l’agence a des intérêts dans l’entité notée ou ses produits, ou lorsque l’entité notée est actionnaire de l’agence ou enfin dans les cas où les actionnaires de l’agence ont des intérêts dans l’entité notée ou ses produits. Une telle obligation de transparence s’imposera aux actionnaires dépassant 5% du capital d’une agence. Au-delà du seuil de 10%, il y aura l’interdiction de noter. En outre, la participation d’un même investisseur dans plusieurs agences est limitée à un seuil de 5% par agence.

5. L’ouverture du marché de la notation

Pour introduire davantage de concurrence — j’y tenais, je m’y suis engagé devant vous — sur le marché, en cas de notations multiples, les émetteurs sont encouragés à recourir à au moins une « petite » agence de notation, selon le principe « appliquer ou expliquer ».

Une obligation de rotation après une période de quatre ans est également introduite pour une certaine forme de produits structurés : s’agissant de la re-titrisation.

Cette mesure va constituer à mes yeux un premier test – elle fera l’objet d’une évaluation par la Commission qui vous sera soumise, et qui pourra éventuellement conduire à un élargissement du champ d’application du principe de rotation.

6. Enfin la plate-forme européenne de notation

Je sais que beaucoup y sont très attachés. Les notations seront publiées sur une plate-forme européenne de notation. Cette mesure va renforcer la visibilité et la comparabilité des notations des instruments financiers et aidera les investisseurs à effectuer leur propre évaluation de solvabilité.

En outre, en raison de la complexité des instruments financiers structurés et du rôle qu’ils ont eu dans la crise financière, notre projet de règlement oblige également les émetteurs de produits structurés à publier davantage de données sur la performance des actifs sous-jacents.

Pour répondre à la demande du Parlement européen, la Commission présentera, fin 2016, sur la base de l’évolution du marché, un rapport au Parlement européen et au Conseil sur le bien-fondé d’une éventuelle Agence Européenne de notation de crédit dédiée à l’évaluation de la solvabilité des États membres et de leurs dettes souveraines. La Commission étudiera également l’idée alternative d’une Fondation européenne de notation du crédit pour les notations d’entreprise et de produits financiers structurés.

Le cadre législatif soumis à votre approbation répond donc à un engagement pris dans le cadre du G20. Il propose un ensemble de mesures complémentaires, qui conduiront à renforcer la stabilité des marchés financiers.

Je vous remercie de votre attention.

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